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A la rencontre de Ferdinand Dabiré, l’ancien journaliste de Sidwaya qui a dessiné le drapeau du Burkina Faso

Quand on parle du métier de secrétaire de rédaction dans le monde du journalisme au Burkina Faso, il est difficile de ne pas faire référence à Ferdinand Dabiré, qui fut l’un des premiers à se spécialiser dans ce métier. L’ancien secrétaire de la rédaction de Sidwaya a accordé une interview, en août 2020, aux étudiants de l’ISCOM, pour partager son expérience avec la jeune génération. On apprend ainsi que Ferdinand Dabiré a été celui qui dessiné le drapeau du Burkina Faso, sur les instructions du président Thomas Sankara.

ISCOM : Pouvez-vous, en quelques mots, vous présenter.

Ferdinand Dabiré : En guise de présentation, je réponds au nom de Ferdinand Dabiré. J’ai fait l’école primaire à Dano, dans le Sud-Ouest. Ensuite le secondaire à Nasso. J’ai été par la suite au lycée Ouezzin Coulibaly et enfin l’université de ouagadougou. J’ai commencé ma carrière le 2 août 1983, au journal le Carrefour Africain. A l’époque, Carrefour Africain était le seul journal gouvernemental. Et le seul journal privé, de l’époque était L’Observateur. Ensuite, Sidwaya a vu le jour en 1985, appelé alors le « Quotidien de Mobilisation et de Conscientisation du peuple ».
En 1991, ce fut l’époque du printemps de la presse au Burkina Faso ; on a assisté à la prolifération des maisons de presse à Ouagadougou, à Bobo et dans d’autres localités. Nous avons milité pour la formation des journalistes auprès du ministre Lamien Watamou. Les jeunes journalistes ont besoin de formation au même titre qu’un jeune infirmier. Le jeune infirmier a besoin d’enseignement de qualité pour savoir faire une injection. A contrario, il va devenir un assassin.

Dans la même année, j’ai commencé à collaborer avec le journal le Pays qui venait de naître. Ensuite, je suis retourné me recycler en 1995 en techniques rédactionnelles et en secrétariat de rédaction. Mon apprentissage a porté sur la mise en forme des journaux et comment utiliser les photos, les desseins etc. pour agrémenter un article.

ISCOM : Qu’est-ce-qui vous a motivé à embrasser le monde du journalisme ?

Ferdinand Dabiré : Le journalisme pour moi a été une aventure. A l’époque, je n’ai pas pensé à être orienté en journalisme parce que je devrais poursuivre mes études à Montpellier en anglais. Mais, les inscriptions ont été suspendues à cause des tensions entre la Haute Volta d’alors et la France en cette période. Un jour, j’ai rendu une visite à Pierre Dabiré, un formateur en journalisme. Et durant ma visite chez lui, il m’a proposé d’écrire une demande pour être journaliste, un métier méconnu pour moi en son temps. J’ai suivi ses instructions et j’ai été admis à l’Institut Supérieur de presse de l’Entente à Lomé. C’est un fait de hasard si j’ai embrassé le monde du journalisme. Mais, j’ai choisi de me spécialiser en secrétariat de rédaction, coefficient 8, après avoir eu une note de 8/20 à la première composition. Je me suis demandé comment se fait-il que j’ai une telle note alors que je brillais dans les autres matières. Ce qui m’a incité à me spécialiser dans cette matière.

ISCOM : Avez-vous eu à rencontrer des difficultés au cours de votre parcours professionnel ?

Ferdinand Dabiré : D’abord en tant que secrétaire de rédaction, je n’ai pas été formé pour aller sur le terrain et produire des articles. Mais à force d’écrire et de lire les autres, j’ai compris les erreurs chez mes confrères, donc j’ai décidé d’aller sur le terrain et de chercher à m’améliorer.

Ensuite, quand j’ai travaillé pour les quotidiens Le Pays et le Journal du Soir, je n’ai pas eu de vie privée. Je n’ai pas eu le temps pour ma famille. Les enfants dormaient les soirs quand je rentrais et je me réveillais tôt sans qu’on puisse se voir, pour me rendre au service.

Après une longue carrière dans les médias publics et privés, j’ai été nommé en novembre 2008 directeur régional de la culture, du tourisme et de la communication du Sud-Ouest (Gaoua). Je n’ai pas eu de bureau à ma nomination, au titre de directeur régional. Mes déplacements ont été à réglés à mes propres frais. Le ministre Filippe Savadogo nous a dit que c’est un sacrifice qu’on doit consentir, pour le développement de nos régions.

Avant ma retraite, j’ai su que j’allais avoir des problèmes de santé en prenant de l’âge. Et c’est qui est arrivé. J’ai des arthroses, une maladie génétique, liée au sang. Je l’ai découvert en faisant mon électrophorèse en 1984. A l’époque, la maladie n’était pas très connue en Afrique et les soins étaient précaires. De nos jours, les humanitaires viennent faire des interventions en décembre et février.

ISCOM : Parlez-nous de vos plus grands succès durant votre carrière.

Ferdinand Dabiré : Je m’estime heureux aujourd’hui, car je suis fier des étudiants que j’ai formés à l’Institut des Sciences et des Techniques de l’Information et de la Communication (ISTIC) et qui sont du Burkina et d’autres pays comme le Mali, le Tchad. C’est simplement, une pure satisfaction d’avoir été utile à mon pays en permettant à la jeune génération de prendre le relais.

L’une de mes plus grandes joies est d’avoir contribué, à la réalisation du drapeau national en 1984. Je suis aussi au centre de la création du journal, FESPACO News. J’ai été un grand collaborateur du FESPACO dans les années 1991 à 1995 et jusqu’à la date de mon départ à la retraite, j’ai assuré la mise en page de tous les catalogues du festival.

ISCOM : Qu’est-ce-qui vous a plus marqué dans votre carrière ?

Ferdinand Dabiré : Le 29 juillet 1983, Thomas Sankara a appelé mon directeur à Sidwaya, Paulin Bamouni qui, ensuite, m’a dit d’aller le voir. Quand je suis arrivé chez Thomas Sankara et que je me suis présenté, il m’a dit « J’ai besoin d’un maquettiste, on m’envoie un secrétaire de rédaction… ». Et j’ai rétorqué en demandant à savoir ce qu’il voulait. En guise de réponse, il m’a dit mot pour mot « Vous êtes le premier voltaïque à savoir qu’on change de drapeau. » Et je lui ai fait la remarque que je suis le deuxième, après lui ; une manière pour les deux de sympathiser. Sankara m’a demandé d’élaborer le drapeau, le rouge représentant le sang et la sueur du peuple burkinabè, le vert incarnant l’environnement et l’espérance et l’étoile jaune au milieu, figurant comme le guide pour la révolution. Ce que j’ai fait.

ISCOM : Aviez-vous vraiment de la passion pour le métier ?

Ferdinand Dabiré : Le journalisme est l’un des métiers les plus nobles qui existent. Mais, le journaliste est facilement mis à l’épreuve, dans le monde. C’est parmi les journalistes qu’on dénombre le plus de personnes violentés et tuées pour leur profession. Aucun pays n’échappe aux problèmes des journalistes. J’ai toujours dit à mes élèves de faire d’abord le tour de leurs connaissances sur le sujet qu’ils veulent aborder et de poser les questions aux personnes, les plus habilités à répondre.
ISCOM : Avez-vous des regrets pour avoir fait le métier de journaliste ?
Ferdinand Dabiré : J’ai peu de regrets… Mais au contraire, j’ai eu des amitiés, des confrères, des connaissances tant aux niveaux politique et interpersonnel. C’est dans ce sens que j’ai côtoyé plusieurs dirigeants de notre pays.

ISCOM : Quels conseils pouvez-vous donner à la nouvelle génération qui aimerait s’exercer au journalisme ?

Ferdinand Dabiré : La nouvelle génération n’est pas modeste. Ils doivent être respectueux des aînés, des confrères et de la société. A jamais, il ne faut attaquer un pair dans un journal. Malgré nos divergences, il faut respecter l’opinion de tout un chacun. Aussi, le journaliste doit éviter de conjuguer son métier avec la politique. Dans la salle de rédaction, il doit ôter son manteau de politicien.

Etienne TOE
www.iscom-bf.net




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