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« Les acteurs de notre système éducatif doivent s’oublier et penser à l’avenir de notre pays » estime Benjmain SIA, nouveau docteur en technologie éducative

La technologie éducative est un vaste domaine qui vise à améliorer le niveau et la qualité de l’éducation d’un pays par le biais de la technologie. Pour mieux cerner les contours de cette science, nous avons rencontré le tout nouveau docteur Benjamin SIA, qui a soutenu sa thèse sur le sujet le 28 novembre 2019 à l’université de Cergy Pontoise en France.

ISCOM : Pouvez-vous vous présentez à nos internautes ?

Dr Benjamin SIA : Je me nomme Benjamin SIA, enseignant à l’Université Ouaga II. Pour ce qui est de mon parcours scolaire, je suis passé par l’école primaire publique Yaba I de Yaba avant d’aller au CEG de Toma où j’ai fréquenté de la 6ème à la 3ème. C’est ensuite au Lycée Provincial de Dédougou que je fais mon second cycle où j’ai obtenu mon BAC en 1996. J’ai été orienté ensuite à l’Université de Ouagadougou en Histoire. En 2005 j’ai fait le diplôme de 2ème cycle en intégration pédagogique des TIC à l’Université de Montréal (Canada) puis un Master en ingénierie de la formation à distance à l’Université Paris (France). En 2012, j’ai fait un master recherche en science de l’éducation à l’Université de Rouan (France). C’est en 2015 que j’ai débuté mes recherches pour ma thèse en science de l’éducation option technologie éducative avec pour point focal la formation à distance, à l’Université de Cergy-Pontoise en France.

Et pour ce qui est de votre parcours professionnel ?

Pour ce qui concerne mon parcours professionnel, j’ai débuté comme professeur d’Histoire-Géographie au Lycée Technique National (ex LTO) en 2000 avant d’être, en 2008, responsable des formations à l’Agence universelle de la Francophonie. Là-bas, j’étais en charge du dispositif de formation à distance, c’est-à-dire que je supervisais la mise en œuvre des dispositifs de formations à distance des institutions publiques du Burkina Faso. Il est arrivé par moment que je participe activement à la conception de ces dispositifs. Et comme exemple je peux citer le dispositif de formation à distance des 2IE, celui de l’Université Ouaga II et celui de l’Université Nazi Boni à Bobo Dioulasso. En 2015, j’ai rejoint l’Université Ouaga II et plus précisément son Institut de formation ouverte à distance. Avec l’appui d’autres collègues, nous avons pu mettre en place le dispositif de formation à distance de cet institut. À mon humble avis, comparé aux dispositifs des autres institutions publiques du Burkina Faso, c’est l’un des dispositifs qui marchent le mieux du fait des sept formations, certifiées par l’Agence universitaire de la Francophonie (AUF), que nous offrons à travers cette plateforme. Il faut aussi noter que j’ai eu la chance de participer à plusieurs initiatives dans le domaine de l’intégration pédagogique des TIC ; ce qui m’a valu certaines distinctions à l’instar du 2ème prix Microsoft pour le meilleur site éducatif au Burkina Faso en 2005.

Comment s’est passée votre soutenance de thèse sur ce sujet aussi spécifique à savoir la technologie éducative ?

Ma soutenance s’est très bien passée. Il faut dire qu’en France, depuis un certain temps, on ne donne plus de mentions pour les soutenances de thèse. Il y a trois niveaux : modification majeure, modification mineure et déposer sans modification. En ce qui me concerne, il m’a été demandé de déposer mon travail en état, preuve de sa qualité sans vouloir me vanter. J’ai également eu les félicitations du jury au regard de la qualité et de l’originalité de la thématique que j’ai eu à aborder.
Pourquoi avoir choisi de mener vos recherches sur la technologie éducative ?
Cela est lié à mon parcours. Comme je l’ai souligné plus haut, je me suis très tôt investi dans le domaine des TIC. J’ai eu à produire des ressources, à former des enseignants, à développer même des plateformes pour l’accompagnement des élèves etc. C’est donc tout naturellement que j’ai orienté mes études sur la technologie éducative. Au-delà de cet aspect, je percevais cette technologie comme un raccourcis pour nos pays de rattraper le retard accusé dans l’accès à l’éducation et dans bien d’autres domaines.

De manière plus simple, c’est quoi la technologie éducative ?

La technologie éducative est tout simplement l’utilisation des TIC dans le domaine de l’éducation, plus précisément l’usage des outils numériques. Il faut savoir que toute introduction d’une technologie doit répondre à un besoin. Par exemple, le contexte sécuritaire actuel de notre pays fait que nous avons des déplacés internes. Parmi ces personnes, il y a de nombreux enfants qui ont été déscolarisés. Il est possible de mettre en place un système au travers duquel certains des élèves (à partir du CM) pourront plus ou moins avoir accès à l’éducation.

Pouvez-vous revenir plus en détail sur le but de la technologie éducative ?

Les TIC sont, aujourd’hui des outils dont on ne peut se passer car intervenant dans tous les secteurs d’activité. La technologie éducative vient, dans son aspect sociétal, préparer et aider les Hommes à être aptes et à se créer une place dans la vie sociétale. Vient ensuite l’aspect média. En opposition à ce qui se fait ailleurs, ici les gens n’ont pas été préparés à l’utilisation des ces technologies comme média par exemple. L’éducation aux médias peut-être par exemple intégré dans les programmes scolaires. À défaut, un certificat de compétence peut être mis en place toujours dans l’optique de préparer ces élèves à l’utilisation de ces technologies. Enfin, la technologie éducative permet une adaptation à l’évolution des différents domaines de travail. Il faut donc se former, renforcer ses compétences s’adapter en permanence à son domaine professionnel de sorte à être à la hauteur de l’évolution du domaine. Ce qui est dommage dans notre pays, c’est que les gens veulent être payés pour se former alors que dans d’autres contrées, la formation est une survie. Tant qu’on n’acquiert pas les compétences en adéquation avec l’évolution on ne peut avoir la garantie de conserver son poste.

Sur quel aspect précis de la technologie éducative ont porté vos travaux de recherche ?

Je me suis appesanti sur le volet formation à distance. Vu mon parcours, il serait aisé de dire que je possède plus ou moins un avantage. Et pourquoi ? Simplement parce que j’ai des compétences en ingénierie de la formation à distance dans le domaine de l’intégration pédagogique des TIC. Je peux donc concevoir des dispositifs de formation à distance, produire des contenus, former des gens à la production de ces contenus etc. De plus, je me suis également investi dans le domaine de la recherche en faisant un master recherche avant d’aller à la Thèse.

Quelle appréciation faites-vous du système éducatif burkinabè ?

Souvent, il m’arrive d’avoir des insomnies quand je me pose moi-même cette question. Il faut être réaliste, notre système éducatif est à revoir de fond en comble. Je vois certains des acteurs se démener pour essayer de le sauver mais, cela n’est malheureusement pas suffisant. Je pense, à mon humble avis, que le débat, longtemps politisé, n’est pas franc. Il faut vraiment qu’on ait le courage de s’asseoir et de se parler sans langue de bois. Comme je l’ai dit, il y a des efforts qui sont faits. Cependant, les problèmes sont tels que, peu importe les efforts faits, on ne voit pas le résultat. Et je ne parle pas seulement de l’État, mais bien de tous les acteurs. On est tous responsables.

Comment peut-on comprendre que pour une même filière enseignée dans deux universités publiques, les modules puissent être différents ? Plus clairement, le contenu, par exemple de la formation en licence 1 économie à l’Université Pr Joseph Ki-Zerbo diffère de celui de la même filière et promotion à l’Université de Ouahigouya. Les acteurs de notre système éducatif doivent donc s’oublier et penser à l’avenir de notre pays et ce le plus tôt possible.

Je proposerais alors, pour sauver le système éducatif burkinabè, la mise en place d’un conseil supérieur de l’éducation non politisé bien sûr, avec représentation de tous les acteurs de l’éducation. Il faut aussi que l’on travaille à avoir une orientation prospective car nous sommes actuellement dans une dynamique d’ouverture dans laquelle un burkinabè peut aller travailler en Côte d’Ivoire, au Mali et vise versa. Il faut se demander, dès maintenant, les compétences qui seront les plus recherchées dans 10 ou 15 ans et en fonction de cela mettre en place un dispositif pour les former. Mais malheureusement ce n’est pas le cas ; raison pour laquelle on ne forme que des chômeurs. Je prends un exemple. Combien de véhicules électroniques rentrent aujourd’hui au Burkina et combien sont les mécaniciens qui ont ces compétences ?

Quel pourrait être l’apport de la technologie éducative dans le système éducatif burkinabè ?

Il faudrait penser à introduire les technologies dans notre système et ce depuis le primaire. Ce sont des outils qui sont facilement apprivoisés par les jeunes et les plus jeunes. Leur imagination n’étant pas limitée contrairement à celui d’un adulte, ils pourraient être amenés à faire des merveilles. Regardez simplement tous ceux qui sont à la base de la révolution numérique (Facebook, WhatsApp, Apple, Microsoft etc.), ils étaient tous jeunes quand ils ont donné vie à leur imagination. Je pense que cela peut se faire à notre niveau.

Aussi, nous ne disposons pas de laboratoires, ce qui rend difficile la compréhension de certains cours par nos élèves. On ne peut pas, avec un schéma statique, montrer à un enfant comment fonctionne le moteur à quatre temps par exemple. Mais avec les technologies, il serait possible de faire des animations pour des choses difficiles à « contextualiser », on pourrait également avoir des laboratoires virtuels etc.
Pour finir, on parle généralement de trois socles dans le domaine éducatif : le savoir, le savoir-faire et le savoir-être. Aujourd’hui, il faut compter avec un quatrième : le savoir-devenir, un aspect très important qui doit être construit dès la base. Mais tout ceci, nous devons le construire sur la base des valeurs. Les valeurs sont et resteront incontournables.

Quelle suite pour vos recherches ?

Plusieurs perspectives s’offrent à moi. J’ai déjà entamé les procédures pour être recruté à l’Université Joseph Ki-Zerbo en tant qu’Assistant. En plus je compte m’investir davantage dans la recherche et l’enseignement. Pour moi, en matière d’enseignement, il faut beaucoup partager car comme le dirait l’autre « c’est lorsque l’on partage que l’on s’enrichit ». Selon moi le savoir est l’une des rares richesses que l’on partage sans en perdre. Bien au contraire elle ne fait que s’accroitre par les apports des uns et des autres. L’enseignement est tout simplement ma passion. Lorsque je fais mes conférences, je les fais toujours dans l’idée que je sortirai enrichi. Et cela ne peut s’acheter avec de l’argent.

Je compte également poursuivre dans le domaine de la recherche et notamment sur ‘’ l’effet des facteurs contextuels sur la réussite des apprenants en FOAD (formation à distance)’’ parce que le temps d’apprentissage influence sur la qualité de l’apprentissage. Il faut aussi souligner à cet effet que notre contexte actuel n’est pas très favorable à la formation à distance et notamment en termes d’accès à internet, à l’électricité et bien d’autres facteurs sociaux.

De plus, j’envisage tester les jeux sérieux pour faciliter l’apprentissage dans certains domaines. J’ai eu la chance de les tester avec une ONG néerlandaise à l’occasion du tour du Faso. Mais l’idée qui me tient vraiment à cœur, et j’espère qu’on ne me la volera pas, c’est de mettre en place un centre d’étude dans le domaine de l’éducation. Ce centre permettra entre autres de documenter tout ce qui est pratique dans le domaine de l’éducation mais aussi d’analyser et faire des propositions constructives pour notre système éducatif et de manière générale pour la société.

Un dernier mot ?

Je tiens à adresser mes remerciements à tous ceux qui m’ont accompagné tout au long de mon parcours. Une pensée très spéciale à ma mère qui a consenti beaucoup de sacrifices et à qui je dois mon courage, mon engagement et mon amour pour le travail. C’est grâce à elle que je suis ce que je suis aujourd’hui. Le handicap n’est pas seulement le physique, c’est aussi dans la tête. Si vous êtes psychologiquement fort, vous pourriez relever tous les défis.

Entretien réalisé par Yann Désiré OUEDRAOGO
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