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Roger NIKIEMA, Directeur de la Radio Salankoloto : Le parcours d’un pionnier du journalisme au Burkina Faso

Sa voix a bercé plus d’un aux grands débuts de la Radio Voltaïque. Enseignant de formation, passionné de lettres devenu journaliste, Roger NIKIEMA fait partie des pionniers de ce métier au pays au Burkina. De Boulsa à Ouagadougou en passant par Hanoï et New York, le doyen a forgé sa plume, l’emmenant ainsi à gravir presque tous les échelons. Aujourd’hui Directeur de la Radio Salankoloto, radio communautaire privée et première du genre au Burkina, Roger NIKIEMA revient pour nous sur son parcours, sa brillante carrière et fait également une lecture du métier de journaliste tel que pratiqué aujourd’hui sans omettre de prodiguer des conseils à ses jeunes confrères.

Quel a été votre parcours ?

Mon parcours a été plus ou moins accidenté. Je sui venu de la province du Bazègua à Ouagadougou pour passer mon Certificat d’Etudes Primaire (CEP). Faisant sans doute partie des plus âgés à être admis, je fus envoyé au cours normal de Ouahigouya. Là-bas, en plus de mes études, j’étais également responsable de la bibliothèque de mon école.

Devenu par la suite enseignant, mon envie d’apprendre et de m’améliorer me poussèrent à candidater pour des écoles de formation. Je fus ainsi admis à poursuivre mes études à l’université d’Abidjan.

Quels ont été vos débuts dans le journalisme ?

Il faut noter que depuis l’école primaire, j’ai nourri ma passion pour la lecture. Etant de ceux qui raccompagnaient le maître avec ses effets au sortir des cours, j’ai pu contempler les nombreux livres qui ornaient sa bibliothèque. Il m’arrivait souvent d’en ‘’chiper’’ quelques-uns pour et de les ramener après lecture.
J’ai d’abord voulu être comme cela se disait à l’époque, « juge de paix à compétence étendue ». Mais certains événements marquants ont attisé, sans que je ne m’en aperçoive, la flamme du journalisme en moi.

Lors de mes études Abidjan, j’ai ouï dire que passait à Ouagadougou une équipe qui cherchait des volontaires pour une formation en journalisme en France. Etant à Abidjan le temps pour moi de rentrer sur Ouagadougou, l’équipe en question était déjà à Niamey. J’étais dans le bureau du ministre de l’information de l’époque qui m’apprit la nouvelle. Il me dit aussi que si mon envie de faire du journalisme était réelle, il m’enverrait ‘’illico presto‘’ chez le directeur de la radio nationale qui venait d’ouvrir. Comment dire non ? Après un coup de fil, me voilà quelques instants plus tard dans le bureau du directeur de la radio voltaïque. Sans protocole aucun, ce dernier me conduisit dans le studio d’enregistrement et me remit des dépêches que je devais lire. Et pendant près de 10 mn je lisais. Soudain il me fit signe d’arrêter. Il me fit sortir du studio et me dit « voilà ta place ». Et c’est comme ça que j’ai débuté dans le métier. Mais je n’ai pas cessé de me former. Je suis allé en France et à Dakar à l’Ecole des Etudes de la Communication. Toutes ces formations m’ont permis d’affuter ma pratique du métier et de gravir des échelons dans le milieu professionnel.

Des nombreux souvenir que vous avez pu avoir, y-en-t-il un qui vous ont marqué de façon de positive ?

J’ai été entre temps affecté à Boulsa comme correspondant de la radio nationale. C’était en 1985. Et cette année-là, pas une seule goutte de pluie n’est tombée dans la région jusqu’au 15 août. Les populations pâtissaient fortement de cette situation déplorable. C’est ainsi que j’ai fait un reportage qui dépeignait la situation alarmante dans laquelle elles se trouvaient. Je l’ai fait parvenir comme à l’accoutumée par la poste.

Deux jours après sa diffusion je fus sorti de mon lit par une horde de soldats qui attendaient devant ma porte. Envoyés par le ‘’Camarade’’ Président, Thomas SANKARA, ils étaient là pour que je les conduise auprès de ces populations. Et ils ont établi un hôpital de campagne dans la région. Pendant environ trois mois, ils sont restés et ont traité tous les malades qu’ils recevaient et ce grâce au travail que j’avais fait.

Quel est donc a contrario le souvenir le plus triste ?

Il y a eu au cours de ma carrière plusieurs faits qui m’ont marqué assez négativement. Mais parmi eux, un m’a particulièrement touché. Mon premier fils était en son temps hospitalisé car il souffrait de la rougeole. Je me trouvais donc à son chevet. Il se trouvait aussi que ce jour-là, le président devait se rendre à Fada et j’ai été désigné pour l’y accompagner. Et ce n’est que deux heures avant le départ que j’en ai été informé. Mon fils étant malade, je suis allé voir le directeur à qui j’ai expliqué la situation. A mon grand désarroi il a catégoriquement refusé que je reste au chevet de mon fils. Je me souviens que c’est en larmes que je suis monté dans l’avion.

D’où est venu l’idée de Salankoloto ? Et pourquoi une telle dénomination ?

C’est en quelques sorte en retour à l’envoyeur, que quelques camarades et moi, avions décidé de créer une radio associative afin de soutenir les efforts du gouvernement dans le cadre du développement social. De sa création à maintenant j’en ai toujours été le directeur. Cependant je pense que la radio associative a fait son temps. Nous sommes actuellement en réflexion pour l’orienter autrement afin qu’elle participe davantage au développement de notre pays.

Pour le nom de la radio, nous avions voulu lui donner un nom interpellateur. Un nom qui suscite à la fois un choc et une curiosité. Nous avons pensé que le nom Salankoloto pouvait coller à chaque auditeur et par ses conseils les amener écouter ce que nous leur recommandons à travers nos ondes. D’où le nom Salankoloto. Ce nom vient tout simplement du terroir burkinabè. L’appellation diffère d’une région à une autre mais Salankoloto est un personnage imaginaire qui revêt partout le même costume, celui de conseiller.

De vos débuts à maintenant, quelles sont vos impressions quant à l’évolution et la pratique du journalisme dans notre pays ?

A notre temps, il se peut que l’on venait au journalisme avec une certaine maturité. Ainsi l’on arrivait à faire la synthèse de ce qui doit et peut être fait. Par contre certains de la nouvelle génération sont venus au journalisme plus par quête d’emploi. Et une fois l’emploi en poche, ces derniers ne cherchent plus à s’améliorer. Le français devient relatif à telle enseigne qu’il arrive souvent de voir dans certains journaux une dizaine de fautes sur seulement deux colonnes. Je pense qu’ils devraient davantage se former, lire et même se cultiver afin de répondre aux nombreuses exigences du métier.

Votre avis sur la création de l’ISCOM. Institut supérieur privé qui a pour vocation la formation des hommes et femmes de médias aux métiers du numérique...

Je pense que c’est une très bonne initiative. Le métier est en perpétuelle évolution et il faudrait des écoles de formations qui pourraient former convenablement les professionnels de ce métier. Je dirai au fondateur, le Dr Cyriaque PARE, d’inculquer dès les débuts à ses étudiants l’éthique du métier mais aussi de prendre à bras le corps la formation de ces jeunes.

Votre avis sur l’avènement du numérique dans le journalisme ?

Nous ne l’avons pas connu de notre temps. Pour preuve, avec mon téléphone, pour simplement y enregistrer un numéro je dois demander à quelqu’un de le faire. C’est dire que le numérique revêt une place si importante que nous doyens essayons, bien que compliqué, d’emboiter le pas. Selon moi, c’est la plus grande invention de l’Homme après l’imprimerie. Et c’est important d’incorporer ce volet à la formation même des plus petits. Il est venu professionnaliser mais aussi faciliter en quelque sorte la pratique du journalisme.

Vos conseils à l’endroit de ceux et celles qui aimeraient marcher dans vos pas…

Le conseil que je peux donner à mes enfants qui veulent embrasser le métier de journalisme est d’avoir certains objectifs : être toujours objectif et comme le dirait l’autre être à toujours à la page, c’est-à-dire ne pas être en déphasage avec les informations. Je leur dirai également de ne pas tomber dans l’excès de confiance. Parce qu’on est devenu journaliste, c’est fini on ne fournit plus d’efforts. C’est un métier qui demande beaucoup et la meilleure manière de le pratiquer convenablement c’est de s’instruire en permanence, d’aimer la lecture et d’aimer se cultiver.

Entretien réalisé par Yann Désiré Ouédraogo
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